La grossesse, cet événement réjouissant qui m’a toujours semblé absolument normal et naturel chez les autres, jusqu’à que ça m’arrive. Non pas que ça me soit tombé dessus, j’avais bien appris comment on faisait les bébés. Plus que ça, j’avais mûrement réfléchi l’envie d’en avoir un à moi. Oui, mûrement réfléchi. La grossesse, j’avais envie d’écrire à son sujet parce que je la vis depuis bientôt 9 mois et je trouve qu’elle mérite quelques lignes.

Voilà que le 21 mars 2019, après 2 semaines de retard, une taille de soutif en plus et un amour fou et inaccoutumé pour les sandwichs thon-mayo, je sors ma tête d’autruche du sable : trois gouttes de pipi plus tard, la deuxième barre bleue ne s’est pas fait attendre, j’étais en enceinte ! C’était bizarre, probablement parce que c’était nouveau.

Nouveau statut ! Quand t’es enceinte, il n’y a pas que ton corps qui change, il y a les gens : ceux qui te sourient dans la rue en regardant ton petit bidon, ceux qui te demandent le sexe alors que toi-même tu le sais pas encore, ceux (ou plutôt celles) qui te racontent leur accouchement et à qui t’as envie de raconter ta pire gastro, juste pour te venger. Et bien sûr, ceux qui te donnent des conseils du genre : « faudra pas le faire dormir vers toi pour éviter d’en faire un capricieux », pis « faudra le laisser pleurer aussi ». Merci ! Mais en fait tu vois, j’avais prévu de l’aimer. Ceux qui te donnent leur avis sur le fait d’avoir un enfant. Sympa ! Bien qu’aux dernières nouvelles je ne l’ai pas fait avec toi et j’ai pas non plus prévu de te le donner. Pis quand bien même j’aurais pas réfléchi avant et que je me rendais compte qu’au final c’était pas une bonne idée, trop tard, il est dedans ! Il y a aussi ceux qui te caressent le ventre à chaque fois, ceux qui commentent le poids que tu as pris, celles qui veulent te refiler leurs sarouels de grossesse, ceux qui te disent et comment accoucher et qui te donnent leur avis sur l’allaitement ainsi que la position dans laquelle tu dois faire dormir ton bébé. Genre, c’est écrit dans un livre et si tu respectes pas, ton bébé va se retrouver à coup sûr avec la tête d’un Razmoket. 

Nouveau quotidien ! Et toi pendant ce temps là, tu vois ton corps changer, tu rentres plus dans ton jeans préféré, t’es à deux doigts d’accepter le sarouel de grossesse de ta pote, t’as tout le temps faim mais t’as l’impression que ton estomac fait la taille d’une datte séchée, tu fais pipi tous les quarts d’heure, même la nuit. Surtout la nuit en fait. Tu n’as plus que le droit à une seule position pour dormir, tu ne rentres plus dans ton training préféré, tu es plus qu’à un doigt d’accepter le sarourel de ta pote. Tu te souviens quand tu disais que tu ferais du sport et du yoga jusqu’au bout et tu ris parce que ton médecin t’a prescrit du canapé et que du canapé à la place. T’essaies de faire vite un truc pis tu te souviens que vite n’est plus un mot pour toi. Du coup quand on te demande ce que tu as fait de la matinée, tu réponds que t’es allée à la poste. Parfois tu pleures mais tu sais pas pourquoi, parfois tu ris mais tes poumons sont tellement comprimés que t’as peur que l’expression mourir de rire t’arrive pour de vrai. Tu regardes Le destin de Lisa en sa 36 ème rediffusion parce que t’es en arrêt de travail, tu vois moins les gens qui faisaient partie de ton quotidien et ton mari quand il rentre à la maison, ce n’est plus avec des fleurs et une bonne bouteille de vin mais avec un Uno et de l’huile anti-vergetures parce que t’en avais plus. Le pire, c’est quand tu croises une maman qui te dit « profite de ta grossesse, ça va te manquer ». MDR comme on dit. T’as raison, je vais regretter cette période remplie de dignité où des gens que je connais pas me demandent de faire pipi dans un gobelet juste avant de me faire un petit frottis ! Ah pis en parlant dignité, t’essaies dur d’en garder un peu alors tu t’épiles le maillot à l’aveugle et tu te vernis les doigts de pieds en entier. Clairement, ça risque fort de me manquer !

Nouvelle vie ! L’idée que je me faisais de la grossesse était finalement assez proche de mes deux derniers paragraphes tout comme celle que je me fais de la maternité avec des cernes, du vomi et des petites fesses à essuyer. Mais, si c’était à refaire, je referais. Je referais parce que la première fois que j’ai entendu son petit coeur battre, j’ai ressenti plus d’amour et de fierté que n’importe quel autre jour de ma vie. Parce que quand je croise le sourire des gens dans la rue, je sais qu’ils sourient parce qu’ils savent ce que c’est de porter la vie et qu’ils partagent ma joie. Pis au fond je m’en fous qu’on me touche le ventre, qu’on me donne des conseils ou qu’on pense sérieusement que je vais porter des sarouels (jamais !). Au contraire, j’admire toutes ces mamans qui sont passées par là avant moi, avec leur expérience et leur volonté de faire au mieux parce que c’est vraiment, vraiment flippant. J’admire particulièrement la mienne, parce que j’ai toujours trouvé qu’elle était faite pour ça sans me rendre compte de ce que ça voulait dire. Même que je les crois un peu, ces mamans, quand elles me disent que la grossesse va me manquer. Un peu. Et il y a tous ces moments où je me fais réveiller la nuit par un petit pied dans ma vessie et que la seule chose qui compte c’est que si je reçois des coups, mon bébé bouge et il va bien. Je m’inquiète déjà pour lui comme je me suis jamais inquiétée pour moi. J’ai hâte de lui faire découvrir le monde et qu’il me fasse découvrir le sien et je crois que je me suis jamais réjouis autant de quelque chose avant. Parfois je me demande ce qu’il m’arrive parce que j’étais pas comme ça avant. Je découvre un amour dont j’avais souvent entendu parler mais dont j’avais jamais vraiment réalisé le sens. Un amour qui me fait relativiser un tas de choses qui me semblaient si importantes avant. Un amour qui défie toutes les raisons.

Alors voilà, le 21 mars 2019 ma vie a changé et ne sera plus jamais la même : elle sera sûrement moins reposante, moins sereine, moins spontanée et mon dressing risque bien d’accueillir des t-shirts d’allaitement absolument immondes. Pis en fait, ça me va ! Parce qu’avoir un enfant, c’est faire le tri entre les choses qui comptent et puis les autres.