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Constat

En travaillant dans le domaine du comportement alimentaire, je me suis rendue à l’évidence : donner des recommandations sur l’alimentation, expliquer quoi manger, quand, comment et où manger ne sont pas et ne seront jamais les seules clés pour alimentation juste. Je pourrais même venir cuisiner chez vous, fermer les placards à chocolats à double-tour et vous imprimer la pyramide alimentaire en poster sur la porte des toilettes, rien n’y ferait ! Parce que l’alimentation juste est une équation dont les inconnues sont les besoins nutritionnels, l’écoute du corps, le plaisir et la sérénité. S’il vous manque une des quatre, vous ne pourrez jamais la résoudre. Inutile donc de vous (re)parler des régimes et modes alimentaires autant rigides que mes articulations à mes débuts de yoga. Vous connaissez mon sombre avis sur la question. Et pourtant, nombreux sont les patients qui me demandent un plan alimentaire à suivre. « Ça sera plus simple ». Ce ne sont hélas pas ceux avec qui j’obtiens les meilleurs résultats. Parce que vouloir changer son alimentation, que ce soit une question de poids ou de santé, ou les deux, demande d’envisager les choses sur du long terme et de s’armer de patience. Ah la patience. So 20 ème siècle !

 

Il a toutefois bien fallu que je me munisse de certains outils pour travailler sur l’alimentation et le comportement alimentaire. Impossible de me lever tous les matins pour aller saluer l’échec des ennuyeuses (mais toutefois indispensables) recommandations alimentaires. C’est ainsi que j’ai passé beaucoup de temps à m’intéresser à la différence fondamentale entre les personnes qui ont des problèmes avec leur alimentation et les autres. Déjà autour de moi, j’avais tout un monde à observer ! Au bout du compte et de quelques années de pratique, je peux affirmer qu’il existe deux grandes catégories bien distinctes de personnes : ceux qui mangent avec la tête et ceux qui mangent avec le corps. La deuxième catégorie n’a que très rarement besoin de moi, sauf si le corps les lâche et que la tête doit assumer un petit bout de son travail, autrement dit si une maladie se déclare et nécessite une attention plus particulière sur l’alimentation. 

 

C’est de la première catégorie dont je m’occupe avec beaucoup d’enthousiasme. Sans exagérer : améliorer la relation entre une personne et son alimentation me passionne. Et pourtant, ce n’est pas chose facile. 

 

Outils 

Lors de mes ateliers sur la nutrition intuitive, je propose aux participants de faire un exercice peu évident : faire table rase de toutes leurs croyances et idées sur l’alimentation, une sorte de réinitialisation du système. 

Pas évident quand on a tout un historique de croyances et d’habitudes alimentaires avec soi. Encore moins facile avec le monde des réseaux sociaux et des conseils de personnes non formées  et/ou à moitié guéries de leur propre trouble du comportement alimentaire. Parfois, je me sens découragée et je ne peux que croire que toute personne essayant de modifier son comportement alimentaire le soit aussi. 

Je reste toutefois persuadée que les approches bienveillantes comme la nutrition intuitive et du respect des sensations alimentaires sont les inconnues qui ont souvent manqué aux traitements diététiques des dernières décennies et qu’elles peuvent faire la différence. Mais attention, n’y voyez pas là une sorte de solution miracle ! La nutrition intuitive ainsi que la pleine conscience sont des aides précieuses mais elles vont partie d’un pack : elles doivent être intégrées dans le changement des habitudes alimentaires / de vie mais ne se suffisent pas à elles seules. 

Ainsi, ces outils sont précieux mais il est nécessaire de nommer les autres paramètres importants : comprendre l’équilibre alimentaire, comprendre son comportement alimentaire, soigner sa relation à la nourriture et intégrer l’alimentation dans une hygiène de vie plus globale. 


Conseils 

Voici quelques points que je propose souvent lors de mes prises en charge et qui peuvent vous aider à mettre en place un changement dans votre relation à l’alimentation et dans vos habitudes de vie. 

  1. Comprendre la pleine conscience 

Pour avoir envie de se lancer dans l’alimentation en pleine conscience il faut déjà comprendre ce que c’est !  Il m’est arrivé quelques fois de me lancer dans quelque chose sans avoir bien compris ce que c’était, ça n’a jamais été très concluant.

La peine conscience c’est la connexion avec le moment présent. Ne penser à rien d’autre qu’à la couleur du ciel qu’on observe, aux bruits environnants et à la sensation de ses pieds qui s’écrasent dans le sol.

Manger en pleine conscience c’est se connecter avec le plaisir de manger, utiliser nos sens pour investir l’aliment qu’on mange et se laisser surprendre par la redécouverte d’un aliment qu’on a si souvent mangé. Parfois on s’étonne de se satisfaire d’un seul biscuit alors qu’on a l’habitude de manger le paquet, simplement parce qu’on a laissé à nos sens le temps de s’écœurer par la saveur trop sucrée. C’est aussi comprendre qu’un même aliment peut être mangé en différentes quantités selon les jours et les besoins du corps. En se connectant avec ce moment de dégustation, on laisse de la place à l’organisme pour s’exprimer et mieux nous informer de la quantité à consommer.

  1. Quand le corps rencontre le cerveau

Vous l’avez déjà peut-être entendu : on a besoin de 20 minutes pour ressentir sa satiété. C’est-à-dire que la sensation de faim met 20 minutes à disparaître. Dans ces 20 minutes on peut manger une assiette comme on peut en manger trois. Tout dépend de sa cadence. Impossible donc de savoir si notre corps se serait satisfait d’une seule si le délai des 20 minutes n’a pas été respecté. Les sensations de faim et de satiété sont engendrées par divers mécanismes physiologiques afin de nous informer de quand et combien manger. 

Ces 20 minutes sont cruciales. Nombreux sont mes patients qui sont surpris de découvrir qu’ils sont pleinement satisfaits avec une plus petite portion s’ils ont fait l’exercice de se servir moins et d’attendre minimum 20 minutes avant un éventuel deuxième service. Le deuxième service est d’ailleurs rarement nécessaire, une petite touche sucrée pour terminer le repas suffit alors bien souvent à clore le chapitre jusqu’au prochain repas.

  1. Reconnaitre et respecter les signaux de faim et de satiété

Quand je questionne mes patients sur la faim, ils arrivent en général très bien me la décrire. Il en est pas toujours de même pour la satiété qui est plus difficile à reconnaître et respecter avant d’avoir trop mangé (d’où l’importance des 20 minutes). Le deuxième outil pour réussir à écouter son corps est ne pas manger sans faim et de s’arrêter à satiété. En prêtant attention à ces signaux, vous serez obligé de vous concentrer sur le moment présent du repas.

Quand on a goûté au plaisir de finir un repas satisfait et confortable, difficile de revenir à l’inconfort d’avoir trop mangé. On apprend alors très rapidement à ajuster les portions qui nous conviennent et à connaître notre appétit habituel.

  1. Comprendre ses motivations 

Parfois, on n’a pas faim mais on a envie. Parfois on a faim et on a envie. Parfois on n’a pas faim mais on s’ennuie et d’autres fois on est stressé ou triste alors on mange. Toutes ces motivations ne doivent pas forcément se solder par une prise alimentaire. Lorsque l’idée de manger nous vient à l’esprit, il est judicieux de se questionner sur sa motivation. La faim est toujours une bonne motivation, elle nous signale un besoin physiologique et s’accompagne la plupart du temps de l’envie de manger qui nous dirige vers un choix de repas/goûter. L’envie qui s’accompagne d’une petite faim a elle aussi sa place, en général elle nous dirige vers une petite quantité de nourriture qui nous fait plaisir. Quant aux émotions et à l’ennui, ils ne devraient pas engendrer de prise alimentaire. L’exercice de se questionner sur ses motivations permet souvent de mieux se comprendre et d’apprendre à se nourrir uniquement lorsque les motivations sont légitimes. Il existe bien d’autres façon de gérer l’ennui et les émotions.

  1. Donner du sens aux aliments, se connecter avec eux

Il m’a fallu du temps pour réaliser la chance que j’avais eu de grandir avec des parents qui avaient pris soin de mettre les bonnes choses dans mon assiette. Enfant, avoir des fruits et légumes du jardin, peu d’aliments industriels et des œufs frais du poulailler m’importait peu. Pire que ça, nourrie logée pendant plus de 20 ans, j’étais scandalisée à chaque fois qu’on me demandait d’interrompre mon activité quelques instants pour aller chercher une salade ou des œufs dans le jardin.  

Aujourd’hui, je mesure ma chance. Sans m’en rendre compte, les repères alimentaires qu’on m’a donnés et avec lesquels je me suis construite étaient de bons repères, le rapport à l’alimentation était normal. Je n’entendais pas parler de régime, je mettais du beurre sur mes tartines (et de la mélasse) avec enthousiasme, mangeais la pomme qui m’avait été coupée en morceaux puis j’allais jouer dehors me dépenser et prendre l’air. Tout était une question d’équilibre.  

C’est en devenant adulte que j’ai commencé à donner du sens aux aliments que je consommais, cela a bien évidemment été renforcé par mon parcours académique. Il ne suffit pas de manger pour que le corps fonctionne, il faut prendre le temps de l’écouter et de lui donner les choses dont il a vraiment besoin. Certes, je manque toujours cruellement de motivation pour aller chercher des œufs (j’ai entendu une fois que les poules te mangeaient si tu t’évanouissais dans le poulailler), mais j’ai beaucoup de plaisir à choisir les aliments qui constituent mes repas et à les préparer afin qu’ils soient bons au goût et en qualité. Je n’y vois pas une corvée mais une réelle écoute et respect du corps et de la santé. Prendre le temps de cuisiner, savoir d’où viennent les aliments et ce qu’ils apportent modifie la relation à la nourriture et bien souvent, ça l’apaise. 

  1. Investir sa cuisine

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je déteste cuisiner dans une cuisine en désordre. J’aime savoir où sont les ustensiles et que les aliments soient placés de manière logique. Certains diront que je suis maniaque, moi je me trouve organisée. En déménageant, j’ai pris le temps de placer les aliments secs dans des jolis bocaux et d’inscrire leur date de péremption et le temps de cuisson subtilement au-dessous. J’ai également investi dans un minimum de matériel qui me permet de cuisiner les aliments de différentes manières. Dans le frigo (mon grand point d’amélioration), j’aspire à avoir une place pour chaque chose et rien qui me tombe dessus quand je l’ouvre. Ceux qui me disent qu’ils n’aiment pas cuisiner devraient tous commencer par nettoyer, organiser et investir leur cuisine. Vous verrez, ça change tout !

   7. Se concentrer sur son assiette

Une fois vos aliments sélectionnés et un bon petit plat simplement préparé dans une cuisine rangée, vous voici assis à table, prêt à pallier à votre faim. Seul ou accompagné, vous n’avez pas besoin d’un écran allumer pour manger. Le rafraîchissement de votre pas Instagram, elle aussi peut attendre ! Laisser son cerveau comprendre que votre corps emmagasine des nutriments sans distraction lui permet de mieux vous renseigner sur vos besoins alimentaires. C’est ainsi qu’il pourra vous dire « stop, tu as eu les yeux plus gros que le ventre et il est temps de mettre le reste dans un tupp pour plus tard » ou au contraire « ressers-toi, tu n’as pas assez mangé ». Il y a moins de chance que cela se produise si votre cerveau doit trier d’autres informations en même temps. C’est comme nous, on fait les choses moins bien si on doit se concentrer sur différentes tâches en même temps. À mon sens, il est également mal venu de boire de l’eau pour se remplir l’estomac et camoufler une partie de la faim lors du repas. L’eau étant vite absorbée, si vous n’avez pas suffisamment manger, la faim vous rattrapera et l’envie de grignoter entre les repas sera plus importante. Venez à table le ventre vide, détendu et prenez le temps. Votre assiette ne va pas disparaitre si vous trainer à table, promis ! Plus vous vous concentrez sur votre repas, son odeur, ses saveurs et ses textures, plus vous donnez d’informations utiles au cerveau pour vous envoyer une sensation de satiété précise que vous aurai moins de mal à identifier si vous n’êtes pas distrait par autre chose.

  1. Le mouvement c’est la vie

J’ai piqué cette réplique à une copine physio qui m’expliquait qu’un grand nombre de maladies articulaires et osseuses pourraient être évitées avec des habitudes de vie moins sédentaires. D’ailleurs, je me dis qu’on est rassuré par le mouvement, parce que quoi de plus terrifiant qu’un être qui ne bouge plus ? Et si on est rassuré par le mouvement, c’est bien parce qu’il signifie la vie.

Quand on y pense, notre corps nous permet une mobilité incroyable : on peut marcher, courir, grimper, ramper, sauter, nager.  C’est questionnant quand on sait que notre société est de moins en moins active et que face à un choix, elle préfère souvent le moyen de déplacement nécessitant le moins de mouvements. J’en ai fait l’expérience avec une poussette, contrainte de prendre l’ascenseur, je me déprime devoir toutes ces personnes qui choisissent de monter avec moi m’imposant d’enfreindre les règles de la bonne distanciation sociale alors qu’elles auraient pu prendre l’escalier (souvent bien plus rapide).  Parfois, je m’en énerve. Notre corps est fait pour bouger, nos articulations, nos os et nos muscles ont été prévus pour ! Mieux que ça, nous sommes équipés d’un système d’équilibre pour ne pas tomber et de progression pour nous améliorer dans tous domaines sportifs. S’abandonner à la sédentarité c’est un peu comme laisser trainer son vélo neuf des années à la cave puis le récupérer un jour complètement rouillé.

Le constat des bienfaits du mouvement sur la santé et du rapport au corps ne sont plus à prouver : augmentation de la confiance en soi, diminution du stress, meilleure gestion des émotions, diminution du risque de maladies cardiovasculaires, de dépression, de cancers et de maladies osseuses. J’ai souvent observé dans la prise en charge du comportement alimentaire que l’activité physique était un aspect non négligeable. Probablement parce que prendre soin de son corps et de sa santé demande d’investir de nouveaux repères et habitudes de vie, tant par le mouvement que par l’alimentation. 

Pour conclure,

j’espère qu’à travers cette lecture, vous aurez découvert que changer ses habitudes alimentaires ne passe pas par un nouveau régime mais par un changement bien plus important ! Je conseille souvent à mes patients de rester curieux et de se documenter davantage lorsqu’un outil leur semble utile et adapté pour eux. Ces paragraphes sont basés sur mon expérience, mes connaissances, mon appréciation, mes valeurs et mon vécu en tant que professionnelle mais aussi en tant que personne qui mange et qui a sa propre relation à la nourriture. Toutes les approches  (sauf les régimes) méritent d’être explorées. À vous de prendre ce qui vous parle et pourrait probablement vous aider si vous désirez changer votre relation à l’alimentation. 

Je vous souhaite une belle année 2021 et je me réjouis de continuer de partager quelques articles et recettes avec vous durant cette nouvelle année !